Colloques

Une cuillère pour le Moi : Ordres et désordres de l’oralité aux différents âges de la vie

 

Cette journée d'étude a été organisée en collaboration entre les membres de l'APSPI et le Collège des Psychologues

« La bouche porte de l’être, nous conduit aux marches du palais et aux vibrations intimes de la gorge. Elle est le théâtre de couples antinomiques et donc indissociables : matière et esprit, premier cri et ultime râle, plaisir et douleur, baiser et morsure, ingestion et reflux, manque et satiété. » (Gérard Osterman, Colette Combe p. XVI)

 

L’oralité humaine dépasse largement l’oralité nutritionnelle. D’un point de vue psychologique, elle va en effet bien au-delà du champ de la simple utilité fonctionnelle de la bouche en terme d’ingestion alimentaire.

L’oralité recouvre ainsi de très nombreuses fonctions. La bouche pour dévorer d’abord, la bouche pour se nourrir ensuite. La bouche pour découvrir, à la manière de l’enfant qui goûte tout ce qui l’entoure comme si c’était par là qu’il pouvait apprécier le monde qui l’environne. La bouche pour parler bien sûr. La bouche pour crier. La bouche pour chanter : c’est tout autant les chants et les jeux de la mère accompagnant le repas qui nourrissent son enfant… Une cuillère pour papa, une cuillère pour maman. La bouche pour embrasser et aimer. La bouche pour séduire… Bref, la bouche pour mettre en soi, mais aussi la bouche pour rejeter ou cracher. L’oralité est ainsi à l’interface du somatique et du psychique, de l’acte et de la parole, une ouverture entre le dedans et le dehors. Elle est surtout ce qui fait fondamentalement lien, ce qui met en relation à l’autre et au monde. L’oralité est donc tout autant indispensable à notre survie physiologique qu’à notre survie psychique, en ce qu’elle nous inscrit dans le maillage relationnel de la communauté des hommes. L’oralité fonde ainsi le tout premier rapport au monde et en particulier les premiers liens d’attachement : le bébé au sein de sa mère nous donne à voir un prolongement de la fusion in-utéro originelle qui durera quelques temps après la naissance et qui constituera le socle de l’attachement mutuelle entre la mère et son bébé et celui des attachements futurs si le bon sein nourricier gagne suffisamment sur le mauvais sein frustrant. D’un point de vue développemental, l’oralité soutient toute entière la question identitaire : elle constitue la base de la construction de l’être, le soubassement des réseaux identificatoires en ce que l’oralité constitue le tout premier modèle des identifications à venir qui nous construisent au fil du temps de l’enfance et de l’adolescence, des plus primaires aux plus évoluées. C’est effectivement sur le modèle de l’ingestion des aliments que les premières identifications apparaissent : une cuillère de maman, une cuillère de papa, une cuillère pour le Moi, pour devenir, un jour, un peu comme ou contre eux. Incorporer, c’est donc mettre en soi, à la manière métaphorique des fils de la horde primitive ingérant le père tout-puissant pour devenir un peu comme lui (S. Freud, Totem et Tabou, 1913 ; Psychologie des Foules et analyse du moi, 1921). La digestion, physiologique tout autant que psychologique, permet de surcroit de ne pas seulement incorporer, d’avaler tout rond pourrait-on dire, mais elle soutient tout le processus d’appropriation qui transforme le non-moi en moi, le corps étranger en partie intégrante de soi. De l’oralité primaire à l’oralité secondaire nous quittons l’incorporation pour des processus plus complexes d’introjection.

Le retrait ou la mise hors jeu d’une oralité opérante, ses dysfonctionnements majeurs sont donc les premiers stigmates d’une difficulté majeure de l’individu à être avec lui-même et avec les autres. Refuser de manger, ou ne faire plus que se remplir sans se nourrir, c’est attaquer les liens de quelque nature que ce soit (physiologique, psychique, relationnel), c’est refuser la relation mesurée à l’autre, c’est craindre, côté pile l’intrusion, l’envahissement, et côté face le vide de la solitude, c’est se donner l’illusion d’une autonomie rassurante, se faire croire que l’on a besoin de rien, ni de personne. C’est souvent avoir peur de ce qui attend, tout autant qu’une nostalgie de ce qui a été. C’est rompre la relation dans tous les cas, parce que l’on a peur de grandir, ou parce que l’on va mourir, ou parce que l’on craint de vieillir… Lorsque l’oralité est troublée, c’est tout autant le corps qui agonise, que la vie psychique, que l’ouverture à l’autre. Les désordres de l’oralité aux différents âges de la vie signent le plus souvent une impasse existentielle de premier ordre. Comment les institutions et les professionnels accompagnent-ils cela ? Quelles réponses aux désordres de l’oralité ? Comment accompagne-t-on la reprise d’une fonction orale opérante mais aussi le sevrage qui va avec au moment de la sortie ?

 

PROGRAMME 

Introduction Générale - Charlotte Costantino et Patrick de Saint-Jacob

« Figures du refus alimentaire et figures de l’avidité : au-delà du symptôme, une clinique de l’excès » - Professeur Philippe Jeammet

«  Trop de poids, trop de quoi ? » - Docteur Patrice Huerre et Cécile Antigny

« Repérages théorico-cliniques autour de l’intégration de la bouche à partir d’observations cliniques d’un adulte porteur d’autisme » - Fabienne Pinilo

«  Les Saintes figures de l’anorexie » - Docteur Patrick Lemoine

« Approche anthropologique de l’aliment» - Marie Le Fourn

« Les Oralités humaines » - Docteur Colette Combe

« Oralités bien ordonnées » - Laurence Collet-Roth et Caroline Marchand

« Sensation, mémoire et plaisir alimentaire : vieillissement, maladie d’Alzheimer et nutrition » - Agnès Giboreau, Virginie Pouyet et Linda Benattar

« Histoires d’O. » - Charlotte Costantino, Catherine Ducarre, Elisabeth Ferreira

LES INTERVENANTS

Patrick de Saint-Jacob  - Directeur de la Division Psychiatrie CLINEA

Patrice Huerre - Pédopsychiatre Psychanalyste, médecin coordinateur des unités de pédopsychiatrie Division Psychiatrie CLINEA

Pr Philippe Jeammet - Pédopsychiatre Psychanalyste (SPP)

Cécile Antigny - Psychologue clinicienne Clinique de L’Alliance (93)

Fabienne Pinilo - Psychologue clinicienne, Foyer Le Bois des Saules, Plaisir (78)

Patrick Lemoine Psychiatre - Psychiatre, médecin coordinateur de la Division Psychiatrie CLINEA, Clinique Lyon Lumière (69)

Marie Le Fourn - Psychologue clinicienne et docteur en anthropologie (Tours)

Garance Belamich - Psychologue clinicienne, Clinique Villa des Pages (78), Référente Psychiatrie Collège des Psychologues CLINEA-ORPEA

Charlotte Costantino - Psychologue, Psychanalyste membre de la SPP, Clinique Villa des Pages, Coordinatrice Collège des Psychologues CLINEA-ORPEA

Colette Combe - Psychiatre Psychanalyste (SPP) (69)

Laurence Collet-Roth - Psychologue clinicienne (AFTCC Lyon)

Caroline Marchand - Psychologue clinicienne Clinique Lyon Lumière (69)

Agnès Giboreau - PhD. Directrice de la recherche, Institut Paul Bocuse

Virginie Pouyet - Doctorante Centre de Recherche, Institut Paul Bocuse

Linda Benattar - Directrice médicale Groupe ORPEA-CLINEA

Catherine Ducarre - Psychologue clinicienne Clinique d'Orgemont (95)

Élisabeth Ferreira - Psychologue clinicienne, Résidence Saint-Rémy-Lès-Chevreuse (78), Référente Gériatrie Collège des Psychologues CLINEA-ORPEA

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