Colloques

Dépendances et Institutions

 

Cette journée d'étude a été organisée en collaboration entre les membres de l'APSPI et le Collège des Psychologues

Si nous avons traité, au cours du précédent collège, divisé en quatre journées cliniques, la question de la dépendance telle qu'elle touche spécifiquement nos pratiques respectives, c’est-à-dire sous l’angle de tel ou tel champ clinique, nous nous sommes attachés pour introduire nos journées de travail d’octobre, à repérer quelques questionnements transversaux et les points de relief qui sont apparus lors des journées exploratoires de mars.

Il a d’abord été beaucoup souligné combien l’état de dépendance, s’il est évidemment imposé à la naissance par l’état de néoténie du nourrisson, est en même temps une étape indispensable du développement. Cet état est tout autant somatique que psychique, et dure tant que l'objet ne peut être intériorisé par un moi mature, tant que l’enfant est contraint d’avoir avec lui faute d’avoir en lui…

C’est d’ailleurs un point essentiel qui est apparu dans les 4 journées cliniques de mars : l’idée selon laquelle la clinique des dépendances est avant tout, par la force des choses, une clinique de l’externalité pourrait-on dire : faute de transitionnalité, faute d’intériorisation opérante, faute d’une organisation suffisante de la problématique de séparation, faute d’un objet maternel primaire interne qui fait que l’on peut être un bon parent pour soi-même tout au long de la vie, le sujet est contraint à une hyperdépendance aux objets externes, à une recherche dehors de ce qui est absent dedans. Le patient dépendant consomme sans fin du dehors, faute de pouvoir conserver dedans.

Au-delà des multiples visages cliniques que peut prendre cette fragilité des processus d’intériorisation, se profile ici et au plan le plus évident toute la clinique des addictions.

Mais cette clinique de l’externalité attire aussi notre attention sur tout ce qui touche aux positions prises par les patients passivés non seulement par l’état de dépendance lié à leur fonctionnement somato-psychique, mais aussi par la situation même de l’hospitalisation. Non seulement la dépendance peut être la conséquence de tel ou tel état psychique, ou somatique, mais elle se trouve renforcée bien souvent par la situation même de l’institutionnalisation. Ils ne peuvent plus compter sur eux, ils se trouvent séparés des leurs et les voilà contraints de dépendre de nous à un degré que sans doute nous sous-estimons. L’hospitalisation ou l’entrée en institution sont donc déjà porteuses en elles-mêmes d’une promesse de dépendance, d’une promesse de régression. Paradoxalement, nous avons vocation à traiter toutes sortes d’états de dépendance pendant que les dispositifs de soins que nous proposons portent en eux les germes d’une dépendance à venir.

Cela peut nous amener aussi à réfléchir sur ce que ces mouvements régressifs chez les patients induisent dans l’équipe. Ainsi pouvons-nous nous interroger sur notre degré de tolérance de ce mouvement régressif.

Peut-être se passe t-il quelque chose de similaire entre nous et les patients que nous accueillons, qu’entre une mère et son enfant. La mère accompagnera efficacement son enfant de cet état initial de dépendance extrême à une autonomie chaque jour plus grande, si elle peut supporter et accueillir cette dépendance si contraignante pour elle. De la même manière, nous pourrons vraisemblablement aider mieux nos patients/résidents à aménager une autonomie minimum, si nous pouvons aussi supporter dans un premier temps leur dépendance parfois tyrannique.

Comment gérons-nous cela en tant qu’institution ? Quelle place laissons-nous aux manifestations régressives des personnes que nous accueillons ? Comment tolérons-nous les sollicitations et demandes qui sont souvent des équivalents d’une dépendance à peine masquée ? Nous sommes contraints dans cette équation de nous interroger sur notre manière d’accueillir, d’accompagner et de quitter les patients/résidents dont nous nous occupons.

Par ailleurs, indépendance et autonomie sont souvent posées comme un idéal à atteindre implicite dans les pratiques de soin. Pourtant, est-ce vraiment possible ? Le fait est que même en grandissant, l'être humain ne devient jamais totalement indépendant ne serait ce que parce qu’il reste toute la vie dépendant affectivement.

Que dire de cet idéal d’autonomie lorsque la dépendance semble s'installer de manière durable voire définitive, comme dans les situations de vieillissement par exemple ou dans certaines pathologies au long court somatiques ou psychiatriques ? Le patient ou le résident semble alors confronté à une perte d'autonomie qui peut être très difficile à accepter dans la mesure où nous n'abandonnons pas facilement des positions de conquête, de performance ou d'autonomie et ce en raison des enjeux narcissiques sous-jacents.

Nous voilà face à la pierre angulaire de l’équation : les états de dépendances confrontent à une faillite plus ou moins profonde de l’équilibre narcissique du sujet. Cette menace pèse évidemment pour le sujet sur qui pèse l’état de dépendance. Mais cette menace est aussi grande pour les institutions qui traitent de la dépendance dans la mesure où ces états confrontent assez souvent à une très grande impuissance, blessure narcissique évidente et qui guette les soignants. On ne peut donc pas valablement s’interroger sur les états de dépendances sans prendre en compte le déséquilibre de l’économie narcissique du sujet qu’ils impliquent. Plus les états de dépendance sont une épreuve de réalité comme c’est le cas de manière évidente pour ceux liés au vieillissement ou à la maladie, plus il y a de chances qu’ils soient une épreuve de dure réalité pour le patient comme pour une équipe désireuse de soigner. Comment rester toujours bienveillant face à un patient qui, par la nature même de son extrême dépendance, confronte le soignant à l’impuissance ? La question de la maltraitance serait-elle liée à cet idéal d'une autonomie absolue mis à mal par le roc de la dépendance ? C'est par cette question que nous pourrons initier la réflexion des journées du collège.

PROGRAMME

 « Le silence de la mer : la difficile bientraitance face à la dépendance somatique extrême des patients » - Alice Casagrande

« Pour une éloge de la dépendance » - François Marty

« Les addictions : dépendance avec fin ou dépendance sans fin ?»

« Des dépendances sexuelles à la sexualité addictive » - Vincent Estellon

«Transfert et addictions: entre interprétation et intervention dans le réel » - Fernando Gébérovich

« Peut-on être addict aux écrans ? » - Patrice Huerre

« Le tabagisme: de l’autoérotisme à la dépendance » - Laurence Exertier

« Les relations de dépendance de l'adolescence à la sénescence : investissements tempérés ou relations passionnelles ? »

« Sortir de la dépendance : une question adolescente » - Serge Lesourd

« Dépendance et paradoxe dans le couple âgé et l’institution gériatrique» - Pierre Marie Charazac

« Idéal et violence dans les relations de dépendance »

« Se déprendre de dépendre ? Vieillir parmi la violence des idéaux » - Benoit Verdon

« Emprise et dépendance » - Paul Denis

« Dépendances somatiques, dépendances psychiques »

« Quand la dépendance est une question de survie. Pratique clinique auprès de patients en dialyse » - Hélène Riazuelo

« Troubles neuropsychiques et dépendances: une re-naissance ? » - Catherine Mercier-Fayada

«  Lignes de fuite: esquisse et perspectives d’une dépendance particulière : l’enfant polyhandicapé » - Virginie Maurel

 

INTERVENANTS

Alice Casagrande, Philosophe, Directrice adjointe de la Santé et de l’Autonomie  en charge de la qualité, la gestion des risques et la promotion de la bientraitance Croix Rouge Française

Pierre Marie Charazac, Psychiatre honoraire des hôpitaux, psychanalyste membre de la S.P.P,  enseignant à l’Ecole de Psychologues Praticiens.

Paul Denis, Psychanalyste, membre titulaire formateur de la SPP, directeur de la collection « le fil rouge-psychanalyse » aux PUF

Vincent Estellon, Psychologue clinicien, psychanalyste, Maître de Conférences HDR à l'Institut de Psychologie, Université Paris Descartes, Membre titulaire du Laboratoire LPCP, Membre du CILA

Laurence Exertier, Psychologue clinicienne Clinique CLINEA Sainte Brigitte

Fernando Gébérovich, Psychologue clinicien, Psychanalyste, membre de la S.P.F Paris

Serge Lesourd, Psychanalyste, Professeur de Psychologie clinique Université de Nice

Virginie Maurel, Psychologue clinicienne à l’Institut Médico Éducatif "Les Hirondelles", Biot, Alpes Maritimes, Croix Rouge Française

François Marty, Psychologue, Psychanalyste, Professeur de psychologie clinique et de psychopathologie, Membre du Laboratoire de Psychologie Clinique et de Psychopathologie (LPCP), Membre du Collège International de l'Adolescence (CILA)

Dr Catherine Mercier-Fayada, Neurologue, Psychothérapeute, membre de la Société Française de Neurologie, Praticien Attachée à l'Hôpital de La Salpêtrière

Hélène Riazuelo, Docteur en Psychologie, Maître de Conférences en psychopathologie Paris X, Psychologue à l’unité de psycho-néphrologie de Notre Dame du Bon Secours

Benoit Verdon, Psychologue clinicien, Psychanalyste, Professeur de Psychologie clinique et Psychopathologie à l'Université Paris Descartes (Laboratoire de psychologie clinique et de psychopathologie)

Patrick de Saint-Jacob, Directeur de la Division Psychiatrie CLINEA

Charlotte Costantino, Psychologue clinicienne, Psychanalyste (SPP), coordinatrice du Collège des Psychologues CLINEA-ORPEA

Anaïs Devaux, Psychologue clinicienne, Clinique CLINEA Villa des Pages (78), Référente Psychiatrie Collège des Psychologues CLINEA-ORPEA

Garance Belamich, Psychologue clinicienne, Clinique CLINEA Villa des Pages (78), Référente Psychiatrie Collège des Psychologues CLINEA-ORPEA

Élisabeth Ferreira, Psychologue clinicienne, Résidence ORPEA Saint-Rémy-Lès-Chevreuse (78), Référente Gériatrie Collège des Psychologues CLINEA-ORPEA

Julie Platiau, Psychologue clinicienne, Division Psychiatrie CLINEA, Référente Collège des Psychologues CLINEA-ORPEA

Dr Patrice Huerre, Pédopsychiatre, Psychanalyste, médecin coordinateur des Unités de Pédopsychiatrie Division Psychiatrie CLINEA (75), Président de l'Institut du Virtuel

 

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